Se présenter autrement

J’ai enregistré un podcast récemment sur le sujet avec le cabinet Turningpoint, j’espère qu’il vous plaira !

Lorsqu’on évoque la métamorphose, on pense souvent à de grandes mues : un virage à 180°, une reconversion, un déménagement… Pourtant, la métamorphose n’est pas toujours brusque et impressionnante. Certaines sont très subtiles, et s’invitent à pas feutrés. J’en veux pour exemple : le choix des mots. 

Quand on échange avec de grands orateurs, on peut être surpris de découvrir que, au quotidien, leur langage est plutôt commun. Pourtant, dès qu’ils prennent la parole sur scène, la métamorphose s’opère. C’est ainsi le cas de l’ingénieur Jean-Marc Jancovici, de l’ancienne avocate et désormais comédienne Caroline Vigneaux, ou encore de l’humoriste Blanche Gardin. Ils rayonnent et captent l’auditoire. 

Vous aussi, lors d’une rencontre, découvrez comment vous métamorphoser, dès les premiers mots. 

 

« Je m’appelle Trucmuche, j’ai cinquante ans et je suis notaire »

 

En prise de parole, le changement d’air s’initie dès les premiers mots, à travers la sempiternelle présentation de soi. De nombreux contextes exigent que nous nous présentions, que ce soit dans notre entreprise, en soirée, lors d’un premier contact… et nous nous présentons souvent via le prisme de notre métier. 

Moi-même, trop souvent je dégaine mon discours de présentation sans y réfléchir. Je sais pourtant que ce « pitch » m’enferme dans une case qui ne correspond pas forcément à mon état d’esprit du moment. Voici le discours que j’ai l’habitude de débiter : 

 « Je m’appelle Estelle, je suis comédienne ; je codirige une compagnie de théâtre, qui s’appelle Les Allumeurs de Réverbères, dans laquelle je joue, j’écris, je chante. Et quand je ne suis pas au théâtre, j’accompagne des dirigeants politiques à la prise de parole, dans leurs communications aussi bien orales qu’écrites.»

 

Pourquoi ne pas explorer d’autres stratégies pour se présenter ? Pourquoi ne pas oser casser cette routine ? Nous avons tant à dire sur nous sans passer par la case « fonction professionnelle ». Non, nos forces ne se résument pas à un titre. Dire que je suis « dirigeant(e) » révèle-t-il vraiment mes talents ? C’est une erreur trop largement partagée. Je suis peut-être le dirigeant d’une boîte en faillite, ou un simple salarié doté d’un talent caché. 

 

Comme un voyage, explorons sept questions pour vous présenter autrement. 

 

Je vous invite à présent à réaliser un petit exercice. Prenez un stylo, et répondez à ces questions. 

 

  • Présentez-vous en partant de l’étymologie de votre prénom. Qu’est-ce que cela dit de vous ? 
  • Notez le lieu de votre naissance. Qu’est-ce qu’il évoque ? 
  • Explorez votre odorat. Quels sont vos parfums préférés ? Votre parfum d’enfance, celui qui vous réconforte ?
  • Prenez un membre de votre famille : une grand-mère, un frère… Présentez-vous en parlant d’elle ou de lui.
  • Que pensait-on de vous à l’école ? Est-ce que cela a changé depuis ? 
  • Quel est votre dicton préféré ? Que dit-il sur vous ? 

 

Estelle Meyer, l’accoucheuse-inspiratrice

 

En guise d’inspiration, voici un exemple qui dépote : celui d’Estelle Meyer, comédienne et chanteuse, invitée à se présenter sur le podcast Tourista

«Je m’appelle Estelle, ce qui veut dire étoile. Mon deuxième prénom, c’est Geneviève. Ça m’a longtemps ennuyé de porter un nom de vieux, jusqu’à ce que je comprenne que c’était le nom de ma grand-mère, qu’on appelait Nuna. C’est à cet instant que j’ai découvert l’étymologie de Geneviève, qui veut dire “femme accoucheuse”. J’aime l’idée que je peux être une accoucheuse d’autres femmes. Maintenant j’adore ce deuxième prénom, comme une protection de cette grand-mère que j’aimais tant.

Je fais du théâtre. Petite, on disait de moi : “elle est charmante mais on ne l’entend pas”. Plus tard, on a surtout dit : “Vous pouvez baisser un peu le volume ?”. Toute ma vie durant, j’ai été suivie par ces remarques sur ma voix. 

Je suis la troisième d’une fratrie de quatre. J’ai grandi à Melun, vers la forêt de Fontainebleau. Dans notre jardin, il y avait un arbre qui s’appelait Morgane : c’était une femme-arbre. 

À 6 ans, un moucheron s’est noyé dans mon bain, je l’ai très mal vécu et j’en ai pleuré longtemps. Comme si ma peau était un peu trop fine, un peu trop exposée aux émotions. D’où ma grande sensibilité, et ce besoin de sublimation, de magie, de rituels et de rendre le monde plus doux pour y vivre. »

Cette présentation en dit beaucoup plus qu’un simple « Je m’appelle Estelle Meyer, je suis une comédienne et chanteuse de 36 ans, née à Melun ». Ses mots sont touchants, ils attisent notre curiosité. Il est tout de suite moins évident de la catégoriser socialement. Comme le disait Christian Bobin, qui nous a récemment quittés, et que je regrette déjà : « Ce qu’on sait de quelqu’un empêche de le connaître. »
Ce n’est finalement pas la présentation de soi que nous pouvons retravailler, mais notre façon de voir le monde. Alors, changeons de prisme ; rayons notre âge et explorons ce que racontent les odeurs, les lieux sacrés, et les phrases de notre enfance !